Nadine, brodeuse de coiffes : de l’or au bout des doigts

DSC_3929Nadine Chaminand

Il y a quelques temps déjà, j’avais rencontré Paul Balbous (voir sur le site) et plus tard Maryse Gréval (voir aussi sur le site) qui m’avaient l’un et l’autre permis d’approcher la richesse et la beauté du costume traditionnel breton.

J’ai, cette fois-ci, été reçu par Nadine Chaminand, brodeuse de coiffes bigoudènes, dont la gentillesse et le savoir-faire m’ont particulièrement ému.

Membre du Cercle des « Eostiged ar Stangala » de Kerfeunteun de 14 à 17 ans, Nadine vient aussi d’achever un deuxième mandat de présidente du Cercle et du Bagad de Combrit, ce qui lui permettra d’intensifier son activité de brodeuse qui concoure au maintien et à la diffusion du savoir-faire dans le domaine du costume breton.

Nadine porte un intérêt marqué à la broderie depuis l’age de 30 ans environ. Fidèle des stages « Les samedis des brodeurs » organisés au début des années 1990 par le Musée Breton de Quimper, elle va patiemment appréhender les différentes techniques qui sont à la base de la broderie. Elle rencontre à cette époque Pascal Jaouen, apprécie vivement son sens inné de la pédagogie et s’inscrira à son Ecole dès son ouverture en 1995.

En janvier 1997, Pascal étend son activité sur Brest et lui confie la responsabilité des cours sur ce site. Elle travaille à ses côtés pendant deux ans. C’est à cette époque qu’une petite cousine entrant au Cercle Celtique de Pont l’Abbé lui demande de réaliser sa coiffe (coiffe de 1900 sur tulle).

OLYMPUS DIGITAL CAMERA La passion des coiffes bigoudènes l’accroche rapidement. Elle ne la quittera plus.

Plusieurs époques successives ont vu la coiffe bigoudène évoluer dans sa dimension :

  • les années 1880-1890 : la coiffe de petite taille dépasse rarement les 6 cms 1880_1890
  • 1900-1910 : le dalet (partie arrière de la coiffe) se redresse et la coiffe commence à monter jusqu’à une hauteur moyenne de 8 à 10 cmsCoiffe1900Tulle
  • au moment de la 1ère guerre mondiale : la coiffe approche désormais les 14 cms
  • dans les années 1920 : la coiffe atteint la taille d’une vingtaine de cms 1918
  • dans les années 1930 : environ 25 cms1930
  • la coiffe ne cessera ensuite de croître jusqu’aux années 50 où elle atteindra sa taille actuelle; : la taille de la coiffe bigoudène n’a pas cessé de croître, jusqu’aux 35 cms actuels IMG_1808Il faut noter que la coiffe, comme partout ailleurs, ressemblait davantage à un bonnet et avait à l’origine pour fonction essentielle de cacher les cheveux, car il n’était pas convenable de les montrer. Puis elle est devenue, au fil des décennies, un moyen de se différencier des « pays » voisins, et par coquetterie les femmes n’ont cessé de la faire évoluer. A partir des années 1930, les futures mariées brodaient et perlaient elles-mêmes souvent leur tablier de mariage, mais les coiffes étaient le plus souvent réalisées par des brodeuses au sein d’ateliers de broderie qui existaient à l’origine dans la région de Pont l’Abbé, dès le début du XXème siècle. Plus tard, les brodeuses de coiffes bigoudènes les plus renommées furent celles de Plonéour-Lanvern

Nadine nous explique que la réalisation de la coiffe s’effectue en quatre étapes bien précises :

  • Le dessin du modèle MINOLTA DIGITAL CAMERA S’inspirant parfois au départ d’un motif existant, Nadine va dessiner progressivement sur papier calque le modèle qu’elle souhaite réaliser. Cette phase essentielle du travail peut être rapide, comme prendre du temps et s’opérer sur plusieurs jours. L’inspiration du moment, la réflexion et le regard critique vont progressivement conduire le crayon jusqu’à ce que le modèle lui convienne. MINOLTA DIGITAL CAMERA
  • La broderie :

Phase d’une délicatesse absolue, la broderie s’opère elle-même en plusieurs séquences. Le calque sera tout d’abord photocopié pour pouvoir disposer d’un dessin sur papier blanc qui sera fixé sur un dessous de toile cirée

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La pièce de tissu à broder (tulle ou organdi) est alors fixée au-dessus du tout. 6

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Une fois les trois couches (toile, papier, tissu) rendues solidaires, le traçage va consister à passer un fil sur tous les contours du dessin décalqué.

9Viendront alors le temps de réalisation des araignées puis des barettes à l’intérieur des motifs qui ont été traçés. 11 12Ensuite, un point de bourdon viendra renforcer tous les contours des motifs en soulignant leur forme définitive. 18Enfin, l’évidage aux ciseaux des surfaces se trouvant sous les araignées et sous les barrettes permettra d’ajourer les motifs de l’ouvrage. DSC_3907

DSC_3905DSC_3911Notons à cet égard que seules les coiffes et lacets de fête comportent des motifs ajourés. Pour le deuil, les motifs se superposent au tissu, sans aucun évidement .

  • Le montage :

La préparation de la pièce de tissu brodé s’achève par le montage qui consiste en la mise en place de la « borleden« , pièce de tissu compressée en minces et fines rangées, fixée en haut et au milieu de l’ouvrage, et qui va permettre de donner au tissu l’arrondi nécessaire pour obtenir la forme cylindrique traditionnelle de la coiffe bigoudène.

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DSC_3915L’ouvrage achevé fera enfin l’objet d’un blanchissage en bassine (eau chaude, lessive et agent blanchissant), au soleil pour obtenir le meilleur effet.

  • L’amidonnage :

La coiffe ne pourrait pas tenir fermement sur la tête de qui la porte, sans une très délicate opération préalable d’amidonnage de la pièce brodée et blanchie. Notons que Nadine a suivi pour pouvoir réaliser cette difficile opération le long apprentissage et les conseils de son maître dans ce domaine, Michel Bolzer :

MichelBolzer(Photo Le Télégramme)

L’opération démarre par la confection de la pâte (dosage subtil d’un mélange d’amidon de blé, d’amidon de riz, d’eau, de parafine et de cire d’abeille).Amidonnage La pâte ainsi obtenue peut se conserver une dizaine de jours environ au réfrigérateur. Il convient ensuite d’en imprégner le tissu brodé, à la main, de manière homogène. Une fois le tissu correctement imprégné, une attente d’une demi-journée est nécessaire pour faciliter le séchage. Enfin, vient la délicate opération de repassage au fer chaud (absolument sans vapeur). Nadine procède en deux temps, le premier jour permettant de durcir la coiffe, de la rendre rigide, le second jour pour arrondir et former définitivement la coiffe .

Il convient de noter que la réalisation de la coiffe ne s’arrête pas à la mise en oeuvre de sa pièce constitutive essentielle que nous venons de décrire : au-delà, il faudra réaliser selon peu ou prou les mêmes techniques, le « dalet » qui est la pièce fermante arrière du cylindre (la première à être montée sur la tête), ainsi que les « lacets« 

DSC_3899DSC_3902qui donneront à la coiffe tout son relief sur le costume, notamment par la superposition des « ajourés » du tissu brodé sur le noir et les couleurs sublimes du costume (qu’ils sont beaux, les costumes bretons !).

Reine2014CombritLa belle Reine 2014 du Cercle de Combrit, avec la coiffe confectionnée par Nadine

MalwennMalwenn, splendide danseuse du Cercle de Pont l’Abbé

PloneourLanvernToujours une coiffe confectionnée par Nadine au profit d’une très belle danseuse du cercle de Ploneour-Lanvern

La réalisation complète de la coiffe, du dessin du modèle jusqu’au repassage, « prête à poser » est d’une petite centaine d’heures, selon la complexité du dessin imaginé !

Un très grand merci à Nadine pour son témoignage ! Nous comptons sur elle pour nous aider à découvrir d’autres artistes, d’autres techniques, d’autres témoignages de notre culture, si riche, si belle, si importante pour éclairer notre avenir de bretons.

Pour contacter Nadine :  06 61 86 76 32

Retrouvez Nadine sur Facebook : https://www.facebook.com/pages/LAtelier-de-lIle/234693806584948

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